Madame MACRON,
Nous nous permettons de vous écrire car nous sommes convaincus que vous êtes la destinataire idéale du message que nous portons.
L’association de défense des droits des enfants placés et de leur famille (ADDEPF), que nous représentons, est aujourd’hui très inquiète quant à l’état de la protection de l’enfance dans notre pays. D’enquêtes en enquêtes, de rapports en rapports et de témoignages en témoignages, le constat est indéniable : la protection de l’enfance en France ne protège plus les enfants.
Nous vous écrivons, Madame Macron, afin que votre statut de première dame, mais également votre rôle de mère et votre passé d’enseignante, fassent résonner, aussi fortement que possible, le message d’alerte qu’il faut diffuser dans nos institutions tricolores.
Aussi bien dans la région lyonnaise, où notre association est basée, qu’ailleurs dans l’hexagone, les défaillances de la protection de l’enfance se multiplient et s’élargissent avec les années qui passent, sans qu’aucune réelle mesure pour y mettre un terme ne soit prise.
Aujourd’hui, Madame Macron, la protection de l’enfance dans notre pays ne respecte plus les textes, aussi bien de droit français que des conventions internationales que la France a ratifiées.
Aujourd’hui, Madame Macron, les chiffres liés à la protection de l’enfance sont accablants. Une personne sans-abri sur quatre sort de la protection de l’enfance … 70% des jeunes sortant du dispositif de l’aide sociale à l’enfance sont sans diplôme. Les établissements d’accueil des enfants placés ne sont contrôlés en moyenne qu’une fois tous les vingt-cinq ans. Les enfants placés sont trois fois plus nombreux, à l’âge de quinze ans, à être en situation de déscolarisation, en comparaison aux enfants du même âge qui ne sont pas placés … Et ces données ne sont en réalité que l’arbre qui cache la forêt.
Voilà des décennies que ces problématiques font face aux enfants et aux travailleurs sociaux qui les subissent, et pour lesquelles rien n’est fait pour les endiguer.
Voilà des décennies que ces jeunes sont laissés aux mains d’une institution sociale défaillante qui ne parvient pas à répondre à sa mission. Une mission que nous jugeons d’intérêt public, en ce qu’elle s’adresse aux enfants de la nation, aux futurs citoyens de notre République, à ces français pour lesquels notre belle devise « liberté, égalité, fraternité » doit avoir un écho.
Mais nous ne vous livrons pas uniquement des failles, madame, car nous vous écrivons avec des solutions envisageables, réalisables, et nécessaires qui ont tout intérêt à être étudiées par nos élus, et appuyées par vous, Madame Macron.
Nous considérons que l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) doit être restructurée dans ses fondations, puis dans sa mise en œuvre, afin que la protection des enfants puisse, enfin, être garantie entièrement.
Pour ce faire, Madame Macron, il faut qu’une uniformisation à l’échelle de l’Etat soit instaurée, afin d’éliminer les différences structurelles qui ont lieu aujourd’hui et que l’on doit à la gestion, à l’échelle départementale, de la protection de l’enfance. Un meilleur contrôle de l’application des lois doit être mis en place, afin de s’assurer du respect de l’article 375-3 du code civil qui dispose que le placement dans un établissement de l’ASE ne doit avoir lieu qu’en dernier recours, lorsque le placement chez un parent tiers digne de confiance ne peut pas être réalisé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La parentalité doit retrouver sa première place, madame. Des contrôles des établissements et familles d’accueil doivent aussi avoir lieu, à très haute fréquence, car ils sont le seul moyen d’être certain de la bonne évolution des enfants dans ces structures. Ces contrôles doivent porter tant sur les moyens d’accueil de ces enfants, que sur les compétences du personnel qui y travaille, notamment des éducateurs qui, bien trop souvent, manquent de formation et ne sont, pour certains, même pas diplômés.
Il faut aussi, Madame MACRON, que la stabilité environnementale de l’enfant soit une priorité à respecter au maximum. Ainsi, faut-il empêcher les changements de familles d’accueil lorsqu’ils ne sont motivés que par la volonté d’éviter tout attachement entre l’enfant et la famille qui l’accueille. Faut-il également veiller à ce que l’enfant puisse parcourir sa scolarité au sein du même établissement, et à ce qu’il soit bien accompagné, lors de ce parcours, afin d’éviter les cas de déscolarisation qui gangrènent la protection de l’enfance française.
Un accompagnement psychologique doit également être une garantie à apporter à chaque enfant pris en charge par les services de l’ASE. Les blessures psychologiques, à l’instar des blessures physiologiques, doivent être traitées dès leur apparition par des professionnels qualifiés.
Enfin, Madame MACRON, nous jugeons fondamental de travailler sur l’après ASE pour les enfants. Il est impératif de continuer à les accompagner, même après leur majorité, afin de s’assurer de leur bonne entrée dans la vie active et l’autonomie. Une autonomie globale qui passe d’abord par une autonomie financière que l’on doit apporter aux enfants en veillant à ce que leurs droits socio-économiques soient bien respectés, et qu’ils bénéficient des aides sociales de l’Etat. Par ailleurs, il faut préparer les enfants futurs adultes à ce changement qui les attend, en les aiguillant vers un parcours qu’ils souhaitent suivre, en entrant directement dans le monde du travail, ou en suivant des études supérieures. Un accompagnement vers le logement doit ainsi être garanti aux jeunes adultes issus de la protection de l’enfance, pour empêcher qu’un d’eux sur quatre ne finisse dans la rue.
Nous comptons définitivement sur vous, Madame Macron, pour porter, devant le Président de la République et devant le législateur, notre message porteur d’une réelle ambition d’amélioration de la protection de l’enfance dans notre Etat. Nous serions en outre ravis de pouvoir vous rencontrer, à Paris, afin de vous présenter notre association et de pouvoir échanger, de vive voix, avec vous, sur les enjeux et la dynamique à donner à la protection de l’enfance.
Nous vous prions d’agréer, Madame Macron, l’expression de nos respectueux hommages.